C'est la mésange la plus commune et la seule espèce d'Europe occidentale qui soit bleue. Elle est plus petite et plus ronde que la mésange charbonnière, avec un bec plus court. En fait, le bleu se limite à la couronne, aux ailes et à la queue, le reste du dessus ayant une couleur verdâtre. Le dessous est jaune citron, avec une raie noire séparant la poitrine et le ventre. Les joues sont blanches, entourées par une fine rayure bleu foncé traversant l'oeil. La femelle et les jeunes présentent des couleurs un peu plus ternes.
Je vis en ville ou dans la campagne. Mon espérance de vie est plus longue en ville mais j'y élève moins de jeunes car les chenilles y sont plus rares. Elles sont fréquentes dans les bois de feuillus ou mixtes, les parcs et les jardins. On trouve les plus grandes densités dans les forêts de chênes. Elles évitent les forêts de résineux. Ce sont des oiseaux sédentaires.
Elle est là, dans le prunier, vive, agile, fugitive... A l'image de ces bulles de savon, légères, impalpables, insaisissables. Attention, ne pas confondre ! Ce n'est pas la charbonnière. La différence tient surtout à la couleur du plumage, comme leur nom l'indique à l'une et à l'autre. Plus leste, la bleue est aussi plus remuante. Elle est sans pareil pour sautiller de branche en branche afin d'en inventorier, une par une, les aspérités. L'opération s'apparente parfois à un numéro de trapèze volant, tant la position est périlleuse et l'équilibre précaire. Au besoin, sa témérité la pousse jusqu'à l'extrémité des plus fins rameaux. Chapeau l'artiste ! Cependant son talent comporte d'autres facettes. Il s'exerce parfois sous des formes inattendues et pour le moins stupéfiantes. On rapporte en particulier que la mésange bleue parvient à décapsuler les bouteilles de lait, un travail qui de la part de ce petit bout d'oiseau, témoigne d'une confondante ingéniosité. Partisan du moindre effort, elle fait preuve également d'un singulier opportunisme. A l'abri rudimentaire d'une souche d'arbre évidée, elle préfère le confort d'un nichoir artificiel, c'est un oiseau cavernicole. Elle préfère aussi le morceau de suif qui lui est proposé aux minuscules insectes. Pas si bête, l'animal. L'ingratitude n'est pas dans sa nature non plus. Outre les services appréciables que la mésange bleue rend à la nature, ses exhibitions spectaculaires méritent tout autant notre sympathie. Quand au chant, bien que varié et très caractéristique, il ne présente pas, à vrai dire, un grand intérêt musical. Silencieuse durant la mauvaise saison, elle retrouve sa voix aux premiers rayons de soleil.
Certaines ont déjà formé un couple et ont commencé à chercher un logement. Le mâle montre plusieurs sites à sa compagne, mais c'est elle qui a le dernier mot. Qu'elle choisisse un nichoir ou une cavité naturelle, la femelle fait sa propre expertise immobilière. Mais c'est encore un peu tôt pour s'attaquer au nid.
Avril arrive, maintenant c'est le moment de faire le nid. A elle seule la femelle ramasse des provisions de mousse pour édifier les fondations. D'abord elle l'empile simplement dans le fond du nichoir. Le mâle se contente de surveiller le travail. En se trémoussant et en appuyant son jabot sur la mousse, la femelle façonne le creux du nid. Lorsque le mâle veut regarder, sa visite n'est pas appréciée. Le nid est composé de mousses, d'herbes sèches, de racines. Les bords sont tapissés de crins d'animaux, de brins de laine... qui abriteront la ponte et lui assureront une bonne isolation thermique. Elle utilise aussi des plantes médicinales pour lutter contre les parasites. Le nid est construit en trois à dix jours. Pour faciliter sa maternité, la femelle a besoin d'un régime riche en protéines. Le nectar des chatons de saule est idéal et elle récolte quelques insectes en même temps.
Quand la femelle est prête à s'accoupler, elle l'indique en frémissant des ailes. Elle utilise le même signal pour mendier de la nourriture. La mésange bleue est l'espèce qui pond le plus d'oeufs par ponte : le poids total de la ponte dépassant souvent celui de la mésange. Pendant la formation des oeufs, la femelle a besoin de 40 % de nutrition supplémentaire. Elle peut trouver sa propre nourriture mais pour le supplément nécessaire à la fabrication des oeufs, elle compte sur son compagnon. Le mâle aide aussi sa compagne d'une autre façon très importante, et bien que les mésanges ne soient pas rares, ce n'est pas un spectacle que l'on voit souvent. Il lui apporte de minuscules escargots. Pour former les coquilles de sa douzaine d'oeufs, elle a besoin d'autant de calcium qu'en renferme tout son squelette, alors elle transforme les coquilles d'escargots en coquilles d'oeufs.
C'est l'aurore d'une brillante journée d'avril, mais la femelle reste sur son nid, le moment de la ponte approche. Le mâle redouble ses efforts, il doit rester en bonne forme pour pouvoir défendre le territoire et en même temps nourrir sa compagne. A chaque visite, le mâle apporte une unique chenille, mais ses visites sont si fréquentes que la femelle reçoit deux fois et demie la quantité de nourriture qu'elle récolterait normalement.
Le premier oeuf annonce son arrivée. Et voici : un tout petit oeuf mais un bel exploit pour un oiseau qui ne pèse guère plus qu'une pièce d'un euro soit 10 à 12 grammes. Les oeufs sont blancs et piquetés de points rougeâtres qui forment souvent une couronne près du pôle arrondi. Et maintenant la femelle va ajouter un oeuf à sa couvée chaque matin et se couche chaque soir avec le prochain oeuf déjà formé. Au total, il y en a neuf. Tout s'est bien passé pendant l'incubation qui dure treize à quatorze jours.
Maintenant il lui faut être aux aguets, surtout à cause des chats.
21 maiPendant ce temps dans le nichoir, grand émoi : ils sont nés. Les neuf sont tout nus, tout roses ! Ils ont un peu de duvet sur leur grosse tête, on dirait qu'ils ne peuvent pas la tenir. A la place des yeux, ils ont deux grosses bosses bleues. Et ils ont déjà un bec ! Un grand bec jaune orangé grand ouvert ! Ils l'ouvrent chaque fois que les parents arrivent. La production de neuf coquilles a pris du calcium au propre squelette de la femelle. Elle le récupère en mangeant les coquilles. Les petits ouvrent leur bec, ils s'étirent : ils voudraient tous avoir à manger à la fois ! Un des parents part et revient au nichoir, une chenille verte au bec, puis il en ressort bientôt. Deux minutes après, il est encore là, avec un papillon. Il en faut des voyages pour nourrir ces affamés ! Chaque bébé reçoit de trente à soixante-dix becquées par jour : oeufs de papillons au début, puis araignées, chenilles, petits papillons. On peut parler ici d'un véritable pont aérien entre les feuillages alentours et le nid. Aussitôt que les poussins n'ont plus besoin d'être réchauffés, la mère va chercher elle aussi de la nourriture. Après la becquée, le mâle, posé sur le rebord du nichoir, observe les petits. Il remue la tête pour regarder partout, s'il ne voit rien, il repart chercher à manger. |
Pour faire ses besoins, le petit se tient le derrière en l'air. Une petite boule blanche en sort qui ressemble à un sac plastique (c'est le sac fécal). Le papa l'attrape avec son bec et l'emporte pour le jeter plus loin afin d'éviter d'attirer des prédateurs. Parfois le mâle se pose près de sa compagne et semble lui parler. Les mésanges ont leur langage à elles : leurs chants, leurs cris, mais aussi leurs attitudes. |
Une petite mésange est morte mais heureusement les huit autres se portent à merveille. Les oisillons morts sont immédiatement enlevés par les parents.
Aujourd'hui, pluie froide. La maman couve ses petits pour les réchauffer, elle écarte bien ses ailes sur eux. Ca remue en dessous des ailes de la femelle. On voit apparaître un grand cou tout rose et un grand bec jaune ouvert.
Du nouveau : les petits ouvrent les yeux ! Au lieu de se trémousser pour demander leur pâture, ils se tournent vers leur mère et la nourriture arrive toujours. Lorsqu'ils quitteront le nid, ils auront mangé quelques dix mille chenilles.
2 juin - 12 joursEn ouvrant le nichoir, stupeur : trois petites mésanges sont mortes. Les cinq autres sont bien plus emplumées. C'est à ce moment-là que les parents investissent sans doute un maximum d'efforts dans l'élevage. Dès qu'un adulte apparaît au nid avec une proie, les jeunes les plus affamés dressent verticalement leur cou et ouvrent leur bec pour que le parent y dépose l'aliment, le plus souvent une chenille. |
Il ne reste plus que cinq jeunes mésanges bleues ; un des deux parents est mort depuis plusieurs jours et le survivant ne pouvait plus à lui seul subvenir à ses rejetons.
Cela fait seize jours que la mésange nourrit ses trois petits. Ils sont prêts à quitter le nid. Le mâle saute de branche en branche, du prunier au bouleau, du bouleau au prunier. Il a l'air très agité. Il doit vouloir faire sortir les petits, mais aucun n'ose s'élancer le premier.
8 juin - 18 joursIls sont toujours dans le nichoir, ils sont peut-être gênés par la pluie. La mésange leur apporte encore à manger, sinon ils mourraient de faim. Maintenant, ils ressemblent à leurs parents. Les petits se serrent l'un contre l'autre. |
9 juin - 19 joursIl fait beau. A l'intérieur du nichoir, branle-bas de combat, les deux derniers s'exercent à voler. Le plus fort s'avance au bord du nichoir, puis il prend son élan et s'envole. Au début, pour le moins, ils sont très maladroits et il faut qu'ils restent silencieux et se cachent dans le feuillage afin de ne pas attirer les prédateurs. Pendant une semaine ou deux, les petits vivent ensemble. Les parents les alimentent encore. De jour en jour, ils deviendront de plus en plus adroits en coordonnant leurs mouvements, puis ils commenceront progressivement à s'intéresser à leur première proie. Un beau jour, ils voleront si bien et captureront tant de proies que les parents ne les nourriront plus. La famille pourra se disloquer. La grande aventure commencera vraiment pour chacun des jeunes. Dès l'âge de six à huit semaines, les petits arboreront le plumage propre aux adultes. |
(photos Grégory Smellinckx)
Chaque année en moyenne, un oiseau de chaque couple d'adultes survit. Aussi sur une couvée de neuf oeufs comme celle-ci, il suffirait qu'un seul survive pour remplacer un de ses parents.
La mésange bleue visite régulièrement les mangeoires. Elle se nourrit essentiellement d'insectes mais aussi de graines, notamment pendant les mois d'hiver.
L'hiver est dur pour les passereaux. Combien de ces petits oiseaux, nés à la belle saison, ne voient pas le printemps suivant ? La mésange bleue paye au froid, une lourde contribution que les mangeoires et les morceaux de graisse disposés à son intention parviennent difficilement à compenser. Certains voient dans cette décimation, une loi injuste et cruelle, d'autre une sélection naturelle indispensable au maintien de l'espèce. A défaut de pouvoir efficacement modifier le cours des choses, force est de s'y résigner.
Dans un environnement de moins en moins favorable à la reproduction de cette mésange, l'installation de nichoirs artificiels est l'un des meilleurs moyens de réparer partiellement les effets dévastateurs de la rigueur hivernale. L'investissement est de peu d'importance. Quelques planches sommairement assemblées y pourvoient.
La vie n'est pas facile, même entre oiseaux, ils se livrent un combat perpétuel. Ici une femelle faucon crécerelle emmène un passereau pour nourrir ses deux petites. C'est moins copieux que le mulot traditionnel !
Il y a encore d'autres prédateurs que doivent redouter les mésanges : l'épervier d'Europe est aussi redoutable et la vue de ce rapace déclenche une série d'alarmes sonores très aiguës caractéristiques chez les mésanges.
Il ne faut aussi se méfier de la pie bavarde qui mange les oeufs et les oisillons !
Chez les rapaces nocturnes, la chouette hulotte attrape régulièrement des mésanges !
Et puis il y a encore les écureuils, certains reptiles, belettes, martres, hermines qui sont également des prédateurs.
On ne sera pas surpris d'apprendre que la durée moyenne de vie des mésanges n'est pas bien longue. On a démontré que 87 % des mésanges n'atteignent pas l'âge de un an et que par la suite 49 % des adultes meurent chaque année.
Les résultats obtenus grâce aux bagueurs sur plus de cinquante stations de baguage et aux compteurs d'oiseaux sur plus de mille cinq cents points d'écoute permettent un traitement statistique fiable pour un grand nombre d'espèces. Ainsi, pour les mésanges, l'analyse des données enregistrées de 1989 à 2001 permet de dire que certaines espèces sont dans une situation inquiétante. La mésange nonnette a vu ses effectifs baisser de 59 %, la boréale de 47 %, la noire de 38 %, la mésange à longue queue de 28 %, la huppée de 27 %. En fait, seules les mésanges charbonnières et bleues échappent à cette régression, leurs effectifs étant même en augmentation entre 2001 et 2002.
Petit rappel : la mésange bleue appartient aux espèces protégées.